Pour les couloirs humanitaires, il faut étendre la définition de réfugié

Pour les couloirs humanitaires, il faut étendre la définition de réfugié

Interview de Daniela Pompei pour le quotidien La Discussione

Entretien avec Daniela Pompei, responsable des services d'accueil des étrangers de la Communauté de Sant'Egidio

 

Un projet entièrement italien qui s'avère être un outil valable pour l'entrée légale. Avec quelles procédures ?

C'est une originalité italienne au départ, mais elle est devenue européenne. Le premier protocole que nous avons signé avec le ministère de l'Intérieur, le ministère des Affaires étrangères, la Fédération des Églises évangéliques et la Table vaudoise, c'était en décembre 2015 pour demander la possibilité pour les organisations souscriptrices de pouvoir faire entrer en toute sécurité avec un visa d'entrée régulier 1000 réfugiés syriens qui étaient en transit au Liban. Depuis 2015, nous avons signé plusieurs protocoles : pour l'Éthiopie avec la Conférence épiscopale italienne et Caritas Italie, pour l'Afghanistan (le  couloir humanitaire n'est pas encore opérationnel) et un autre protocole très important que nous avons fait pour la Libye.

Quelle est la plus grande difficulté que vous rencontrez dans la mise en œuvre de ce projet ?

Certaines procédures doivent être mises en place pour garantir la sécurité avant le départ. Les associations identifient les personnes et nous assumons la charge économique de l'accueil, du voyage et du processus d'intégration en Italie pendant au moins un an. Cependant, depuis le début des couloirs humanitaires, nous avons constaté une certaine générosité de la part de nombreux citoyens italiens, ainsi que d'associations, de paroisses et de religieux. C'est un aspect important à mon avis. Les personnes qui mettent une maison à disposition pour un an ou deux sous forme de prêt gratuit. C'est comme s'ils ressentaient une dette envers les nombreux enfants et femmes qui souffrent de la guerre.

Quels problèmes rencontrent ceux qui entrent par les couloirs humanitaires ?

Les personnes qui passent par ces couloirs ne sont pas - au départ - reconnues comme des réfugiés. Notre intention était d'ouvrir une nouvelle voie pour les demandeurs d'asile. Ils prennent des bateaux terrifiants et se mettent entre les mains de trafiquants d'êtres humains, payant beaucoup, beaucoup d'argent et risquant la mort. Nous avons pensé à créer un moyen légal pour que ces personnes puissent demander l'asile à leur arrivée et, sur les 3 800 personnes qui sont arrivées en Italie, 99,4 % ont été reconnues comme des réfugiés bénéficiant de l'asile politique complet. La plupart d'entre eux étaient Syriens, Erythréens, Yéménites et Soudanais. Certains ont bénéficié de la protection subsidiaire, qui s'inscrit toujours dans le cadre de l'asile politique, et d'autres ont obtenu une protection spéciale pour des raisons humanitaires.

Le droit d'asile politique est toujours limité à ceux qui fuient les dictatures, les guerres et la violence. Dans quels domaines faut-il l'étendre ?

Oui. Par exemple, les réfugiés environnementaux ne sont pas reconnus au niveau international et juridique et c'est une tragédie car ce sont des personnes qui fuient une situation de grave difficulté environnementale. Ces personnes sont considérées comme des réfugiés économiques, mais en réalité ce sont des personnes qui ne peuvent plus cultiver la terre car le désert avance. Les personnes qui fuient et viennent sur notre territoire n'ont jamais une unique motivation mais les raisons sont diverses, comme la pauvreté qui n'est pas reconnue.

Serait-il nécessaire d'intervenir au niveau international pour étendre le concept de réfugié, peut-être avec une certaine mesure des Nations Unies, ou un pays individuel peut-il le faire ?

Certes, il est nécessaire d'intervenir au niveau international car c'est la Convention de Genève qui donne une définition juridique du statut de réfugié, mais l'Europe dans son ensemble a étendu cette définition au fil des ans, en incluant des personnes fuyant des situations de violence généralisée, qui ne sont pas exactement des réfugiés. Toutefois, la définition du réfugié pourrait être à nouveau étendue par  l'UE. L'Italie, qui est un pays donnant sur la mer Méditerranée, a connu au fil des ans des afflux massifs de situations qui ne concernaient pas seulement des réfugiés politiques et a dû accorder des permis de séjour pour des raisons humanitaires basés, d'une certaine manière, sur un discours plus large lié à la question de la protection internationale. Mais il existe des difficultés au niveau international pour rediscuter de la définition du réfugié.

[traduction de la rédaction]


[ Giuseppe Mazzei ]