Un an après l'explosion de Beyrouth, le pays est toujours dans une impasse politique. Mais personne n'intervient, malgré les appels du pape.
Que se passe-t-il au Liban ? Ce petit pays semble oublié. Pourtant, il a une valeur supérieure au nombre de ses habitants (4,3 millions) et à son territoire limité. Jean-Paul II a déclaré : "Le Liban est plus qu'un pays, c'est un message". Un message de pluralisme et de coexistence entre les communautés chrétienne et musulmane. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Liban est un espace de liberté d'opinion et de grande vitalité culturelle, alors que dans d'autres pays arabes, la vie civile était soumise à un lourd contrôle. Au Liban, on respirait la liberté, même si le système politique était basé, bien que démocratiquement, sur les communautés confessionnelles. Puis vint le déclin. Il ne s’agit pas de retracer ici l'histoire de la guerre civile qui a détruit ce pays autrefois appelé la "Suisse du Moyen-Orient". Mais la crise n'a jamais été aussi grave qu'aujourd'hui. Le Liban est aujourd'hui au bord de l'effondrement politique, économique et social, surtout après la terrible explosion du 4 août 2020, sur laquelle la justice n'a pas pu faire la lumière en raison des difficultés posées par les forces politiques qui ne veulent pas donner à la justice la possibilité d’enquêter sur certaines personnes. On ne parle plus du Liban, car la communauté internationale ne sait plus quoi faire. Or au Liban, il n'y a pas que ses habitants. C'est le pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés par rapport à sa population : deux millions de Palestiniens, arrivés par vagues depuis 1948, vivant dans des camps, non considérés comme des citoyens ; deux millions de Syriens, qui ont peu de chances de rentrer chez eux. Le nombre de réfugiés est presque égal à celui des citoyens libanais. Si une fraction seulement des réfugiés obtenait la citoyenneté, le Liban changerait de population. Surtout, les chrétiens deviendraient de plus en plus minoritaires. Le système politique ne parvient plus à trouver une réponse aux difficultés actuelles, notamment parce que l'équilibre traditionnel entre les chrétiens maronites (ils sont catholiques et représentent le groupe chrétien majoritaire) et les musulmans sunnites s'est rompu. Il y a encore quarante ans, les musulmans chiites étaient considérés comme une communauté secondaire, mais aujourd'hui ils sont déterminants. Leur milice liée à l'Iran, le Hezbollah, a joué un rôle important dans la guerre en Syrie aux côtés d'Assad (qui surveille de très près les affaires libanaises). Ils sont la seule réalité armée, en dehors de l'armée. L'économie est en faillite. Il y a une pénurie générale. Pas de carburant, pas d'électricité : le pays est dans le noir. Un nouveau gouvernement ne peut être formé, alors que le président Aoun, 87 ans, maronite, élu en 2016, allié des chiites, semble aspirer à un nouveau mandat. On ne peut plus parler d'un conflit entre communautés religieuses, chrétiens et musulmans, mais d'une lutte entre clans politiques et familiaux qui polluent la politique. Au Pays du Cèdre, le sens du bien commun et de l'intérêt national fait défaut. La population, en particulier les jeunes, proteste contre la crise économique et la dévaluation de la monnaie. Ce monde n'est pas représenté par les partis traditionnels. L'Occident, pour aider, demande un gouvernement stable et des réformes, tandis qu’il s’oppose au rôle du Hezbollah. Le pape François a récemment réuni les dirigeants chrétiens à Rome et a lancé un message pour que le monde n'oublie pas le Liban, mais aussi pour que les Libanais s'unissent : "Dans la nuit de la crise, il faut rester unis". L'unité est décisive dans un pays désintégré : "Ensemble, à travers l’honnêteté du dialogue et la sincérité des intentions, on peut apporter la lumière dans les zones sombres".