42 ans après l’élection de Karol Wojtyła comme évêque de Rome, il est difficile de définir un pontificat si long et si surprenant. Quelle était la grandeur de Jean-Paul II? Il y a tant d’aspects de ce long pontificat qui ont étonné le monde. Certainement, son héritage est celui de la foi, mais aussi celui de la réception créative de Vatican II. Karol Wojtyła fut un protagoniste du XXe siècle, un XXe siècle douloureux qu’il a traversé et contribué à changer avec la transition pacifique de 1989 en Europe de l’Est. Mais il fut avant tout «un homme de Dieu», comme l’a affirmé le pape François: «il suffisait de le regarder prier pour se rendre compte comment il parvenait à s’immerger complétement dans le mystère de Dieu».
Pour Rome, il fut un évêque attentif aux piétés les plus différentes de la ville, visitant une à une les paroisses et donnant confiance à ces réalités ecclésiales qui étaient alors encore restées dans l’ombre. Chez les Romains, qui l’ont aimé, reste gravé cette expression de la langue romaine: “dàmose da fa’!” [faisons quelque chose!], dont il s’agira de faire un trésor encore aujourd’hui dans la ville.
Pendant 27 ans, il fut le «primat» d’Italie, ce qui avait pour lui une signification spéciale. Dans son projet de «nouvelle évangélisation», une place spéciale est réservée à Rome, son diocèse et à l’Italie, qui pour Wojtyla représentait un patrimoine historique, culturel et religieux unique parmi les nations. Il y a en Jean-Paul II une confiance en l’Italie qui constituait pratiquement un patriotisme sui generis. Rome et l’Italie sont, dans la pensée de ce pape, le rempart du christianisme en Europe, et depuis là, dans le monde. En 1994 il a promu une prière spéciale pour l’Italie, dans un moment difficile pour le pays, notamment en raison des poussées sécessionnistes. En Italie, Wojtyła a laissé son empreinte, devenant «le pape» pour plus d’une génération. Il suffirait de citer l’affection des Italiens dans les moments difficiles de son pontificat, comme l’attentat en 1981, et dans les moments joyeux, comme celui du Jubilé de l’an 2000. Pour l’Italie, il avait un projet complexe, dans lequel les activités pastorales ordinaires s’intégraient avec le travail des mouvements ecclésiaux, et la poussée de l’évangélisation s’accompagnait de la redécouverte de la piété populaire. Le christianisme populaire de Jean-Paul II «n’est pas seulement une religion populaire, mais un vécu chrétien complexe et multiforme: un ensemble de secteurs d’expérience religieuse, différentes les unes des autres», a écrit Andrea Riccardi. Une vision qui n’est pas différente de celle du pape François, pour qui le modèle n’est pas la sphère, mais « le polyèdre, qui reflète la convergence de toutes les partialités qui maintiennent en lui leur originalité».
Pour le monde encore divisé de la guerre froide, Jean-Paul II a eu l’intuition prophétique de la prière pour la paix des religions, à Assise, en 1986. A travers «l’esprit d’Assise» de Wojtyła et l’encyclique Fratelli tutti [Tous frères] de Bergoglio – qui, à l’invitation de la Communauté de Sant’Egidio, est monté, le mardi 20 octobre, au Capitole pour prier pour la paix avec le patriarche Bartholomée et d’autres représentants des religions mondiales – nous voyons l'un des signes de la continuité du pontificat romain au temps de la globalisation.
Article de Massimiliano Signifredi paru dans l'Osservatore Romano le 22 octobre 2020
[Traduction de la rédaction]