Les nombreux enfants qui fréquentent les " Ecoles de la paix " de la Communauté de Sant'Egidio en Ukraine expriment par le dessin leurs angoisses et leurs espoirs. Ils racontent la guerre vue par leurs propres yeux et leurs peurs : une façon de partager la fragilité et les rêves.
Un char russe menaçant pointe son canon en direction d'une maison. A l'intérieur, un bébé dort dans son berceau. L'image saisit le moment exact de la mise à feu, mais laisse déjà entrevoir comment elle va se terminer. Ce n'est qu'un dessin, mais il raconte un fait réel. Et dans ces traits sombres aux couleurs pastel, il y a toute la guerre subie par les petits et décidée par les grands. Le polyptyque de l'agression se trouve sur ces pages A4. Un acte d'accusation qui, à lui seul, vaudrait un procès pour enfance volée.
Il faut aller dans les "Ecoles de la paix" de la Communauté de Sant'Egidio pour se faire dire la vérité que seuls les enfants peuvent dire. Car il ne s'agit pas de simples coups de crayons de couleur, mais du tourment intime causé par le conflit et de ses effets secondaires sur l'Ukraine de demain. L'Unicef a également fait preuve de créativité pour raconter les peurs des enfants autrement que par des mots.
Iryna, une enseignante déplacée avec sa fille de dix ans du Donbass à Zaporijjia, est bénévole dans un centre pour enfants ouvert par l'agence des Nations unies pour les plus jeunes. "Depuis le début de la guerre, dit-elle, j'ai remarqué une augmentation des couleurs sombres et des scènes déchirantes."
Les opérateurs de la Communauté de Sant'Egidio en Ukraine observent la même tendance dans leurs "écoles" : à Lviv, à Kiev et dans d'autres oblasts, il y a des centres qui s'occupent déjà des conséquences. Des lieux où l'on parle de bombes, de missiles, d'avions dont le vol faisait autrefois rêver les petits, mais dont aujourd'hui le grondement lointain ne présage que le monstre d'acier descendant en piqué pour larguer plus de mort. D'autres impriment sur des feuilles blanches des cauchemars récurrents. Comme le pont détruit d'Irpin, symbole des voies d'évacuation brisées pour piéger les civils et les maintenir sous le feu de l'artillerie. Des histoires qui se répètent entre un dessin et un chant de Noël, lorsque le nœud dans la gorge se desserre enfin et que les enfants sont capables de nommer leurs cauchemars.
C'est aussi à cela que servent les "Ecoles de la paix" : ne pas avoir peur de se sentir fragile, ne pas entretenir la haine comme seule réponse à sa peur. "Guerre", "soldat", "résistance", "mines", "massacre", ne sont pas des mots pour les enfants. Mais il faut faire avec eux. Les adultes appellent les Russes des "ogres". Et c'est tout ce qu'il faut pour creuser un fossé entre les victimes et les bourreaux. Mais entre un cauchemar et un souhait, les enfants redeviennent des enfants, et dans leurs rêves il y a la vie d'avant, la normalité qui est maintenant un luxe à souhaiter. On pense à des choses plus urgentes.
Oleksandra a sept ans et dit qu'elle a besoin d'un nouveau manteau. David est le plus jeune de cinq frères et sœurs, il a besoin d'une paire de chaussures. Anastasiya a perdu tous ses jouets et s'imagine qu'elle a une poupée Barbie. Elle ne le demande pas. Elle pense que c'est idiot de parler de poupées en temps de guerre. Elle dit juste qu'elle en veut une, et en a presque honte. "Adultes et enfants, nous avons tous beaucoup changé depuis le début de la guerre", dit Iryna, qui a été obligée de fuir sa maison et a trouvé refuge dans la région de Zaporijjia, certes pas l'endroit le plus sûr d'Ukraine, mais au moins les tranchées sont loin et on n'a affaire qu'à des missiles. C'est difficile pour nous tous, répète-t-elle, mais nous avons tous besoin de soutien et d'aide.
Le travail des volontaires est difficile. "Mais lorsque vous aidez les autres, vous découvrez le sens de la vie et de la liberté", observe Yuri Lifanse, l'un des coordinateurs des activités de Sant'Egidio en Ukraine. "Aider les plus fragiles est la plus grande liberté car, en les soutenant, vous communiquez directement avec tant de types de personnes différentes : des sans-abri aux ministres et aux maires". Et vous faites ce qui semble impossible". Et qui sait, un jour, les petits survivants de la guerre dessineront peut-être les missiles qui n'explosent pas et les vies qui ne sont pas perdues.
Comme ceux du "miracle de Noël" à Kherson. C'est ainsi que l'a qualifié l'évêque catholique latin d'Odessa Simferopolis, Mgr Stanislav Szyrokoradiuk. Il a raconté que deux roquettes russes ont visé la paroisse catholique, qui était remplie de familles et d'enfants à ce moment-là. "Une roquette est tombée, s'est brisée en deux mais n'a pas explosé. L'autre, raconte le prélat, a traversé un mur de l'église, mais il n'y a pas eu d'explosion."
[Traduction de la rédaction]
[ Nello Scavo ]