A l'occasion de la Journée internationale qui leur est dédiée, Vatican News reparcourt le chemin vers l'inclusion des Roms, Sintés et Gens du voyage, en faisant mémoire de leurs rencontres significatives avec les papes - saint Paul VI et le pape François - et à travers le récit de l'engagement actuel de la Communauté de Sant'Egidio. De l'entretien ci-dessous émerge une situation peu connue: un travail quotidien et en réseau en faveur de l'intégration scolaire et de la réduction des inégalités qui perdurent.
Roms, Sintés et gens du voyage: un demi-siècle après, il reste encore beaucoup à faire
Plus de cinquante années sont passées depuis le premier Congrès mondial du mouvement "identitaire" du peuple rom, qui s'est tenu à Londres. L'ONU, en 1990, en mémoire de cet événement, institua la Journée mondiale des Roms, Sintés et Gens du voyage pour promouvoir l'intégration et l'inclusion de ces personnes, en combattant les préjugés et les discriminations. L'entretien avec Federica Mancinelli de la Communauté de Sant'Egidio: "Le plus grand préjugé est de les désigner comme responsables des problèmes de la société".
37 millions à travers le monde, un nombre semblable à la population du Canada, dont un tiers habite en Europe, l'équivalent de la population de la Belgique: telle est la population des Roms, Sintés et Gens du voyage, dont l'histoire est parsemée de défis et de préjugés, de rejets et de tentatives d'intégration. Le 8 avril, chaque année depuis trente ans est célébrée la Journée mondiale qui leur est dédiée.
Un chemin long d'un demi-siècle
Pourquoi le 8 avril ? On estime qu'environ 0,5 million de nomades perdirent la vie pendant la Seconde Guerre mondiale. Naît alors, dans l'après-guerre, un mouvement "identitaire" du peuple rom, qui organisa le premier Congrès mondial célébré à Londres en avril 1971. Fut ensuite fondée l'association internationale "Romani Union", reconnue par l'ONU en 1979. Les Nations unies toujours proclamèrent, en 1990, la Journée internationale des Roms, Sintés et Gens du voyage, choisissant la date du 8 avril, en mémoire de ce premier événement fondateur.
La résistance des rom
"Je voudrais dire, en m'appuyant sur mon expérience, que je suis impressionnée par la détermination des jeunes Roms à créer des organisations et des réseaux nationaux et internationaux, à créer des liens au sein de nos Etats-membres - ce qui est tout à fait louable - et à reconnaître et à ne pas oublier les Roms victimes de l'Holocauste ni leur résistance", affirme Marija Pejčinović Burić, Secrétaire général du Conseil de l'Europe, à la veille de la Journée internationale des Roms, Sintés et Gens du voyage. "Dans les années '30s et '40s du siècle dernier - poursuit-elle - les Roms et les nomades furent condamnés à l'extermination. De la Baltique aux Balcans, les forces fascistes les ont exécutés par centaines de milliers. En Allemagne, seuls quelques milliers de Sintés et de Roms survécurent à l'Holocauste et aux camps de concentration. Pourtant, la question du massacre des Roms n'a même pas été soulevée durant les procès de Nuremberg".
Les paroles des papes
Le premier pape à rencontrer le peuple rom fut saint Paul VI, le 26 septembre 1965. "Vous êtes dans le coeur de l'Eglise - affirma à cette occasion le pape Montini - car vous êtes seuls: mais dans l'Eglise personne n'est seul; vous êtes dans le coeur de l'Eglsie, car vous êtes pauvres et avez besoin d'assistance, d'instruction, d'aide; l'Eglise aime les pauvres, les souffrants, les petits, les déshérités, les abandonnés".
Ses successeurs également leur parlèrent de manière semblable, jusqu'au pape François qui, récemment encore, leur a manifesté son attention. Rencontrant le 5 juin 2014 les participants à la rencontre "L'Eglise et les tziganes", mise en oeuvre par le Conseil pontifical de la pastorale pour les migrants et les gens du voyage, François a encouragé ceux qui s'engagent "en faveur de ceux qui sont le plus dans des situations de besoin et de marginalisation, dans les périphéries humaines". "Souvent, les tziganes - a dit le pape - se trouvent en marge de la société et, parfois, ils sont regardés avec hostilité et suspicion — je me souviens que très souvent, à Rome, quand certains d’entre eux montaient dans le bus, le chauffeur disait: «Attention à vos portefeuilles!». C’est du mépris."
A l'Angélus, le 8 avril 2018, le pape a adressé des voeux particuliers aux "membres de ces peuples antiques": "paix et fraternité". Le saint Père a également appelé de ses voeux que la Journée qui leur est dédiée "favorise la culture de la rencontre, avec la bonne volonté de se connaître et de se respecter réciproquement". "C'est le chemin - a ajouté le Pontife - qui conduit à une véritable intégration".
Enfin le 9 mai 2019 la rencontre et la prière qui se sont tenues au Vatican: à cette occasion François invita les participants à "combattre la rancoeur". Nous ne disons pas: «Celle-ci est une personne, celle-là une mère, celui-ci un jeune prêtre», mais: «Celui-ci est ainsi, celui-là est ainsi...». Nous utilisons un adjectif. Et cela détruit, parce que cela ne laisse pas ressortir la personne. Celle-ci est une personne, celle-là est une autre personne, et celle-là une autre encore. Les enfants sont des personnes. Tous. Nous ne pouvons pas dire: ils sont ainsi, ils sont laids, ils sont bons, ils sont méchants. L’adjectif est l’une des choses qui crée une distance entre l’esprit et le cœur".
Ils ne sont pas "le problème"
J'étais présente à cette rencontre en mai 2019: je me rappelle la joie et l'émotion de tant de personnes roms", affirme Federica Mancinelli, coordinatrice du service pour le droit aux études des mineurs roms de la Communauté de Sant'Egidio. Dans l'entretien accordé à Vatican News, elle souligne qu'il est "vraiment fondamental de ne pas parler des personnes avec des adjectifs", de même qu'il est important de "travailler sur cette rancoeur qui pourrait émerger, souvent liée aux ghettos dans lequels, de fait, ils vivent".
"Le plus grand des préjugés - poursuit-elle - est d'assimiler ces personnes à un problème. Ils ne le sont pas. Ils sont un peuple fait de culture, d'histoire, de traditions. Un préjugé tellement faux que parfois les personnes roms vivant dans des logements ou des immeubles ne sont pas reconnues come telles".
Le droit aux études
Garantir le droit aux études des mineurs roms est l'un des services de la Communauté de Sant'Egidio. "Il y a tant à faire, mais les premiers fruits se voient déjà ! Nombreux sont les professeurs, les dirigeants d'établissements scolaires qui oeuvrent afin que ces enfants, ces jeunes fréquentent l'école". Une mission qui par certains aspects assume encore plus de valeur en ce temps de pandémie. "Ici à Rome, où je vis, lors du premier confinement nous avons mis en oeuvre beaucoup de choses pour garantir aux mineurs roms le droit aux études". Au-delà de la période de crise que nous traversons actuellement, "souvent - conclut Mancinelli - la première chose à faire est d'éviter que ces élèves ne deviennent invisibles et de connaître leurs histoires, leur présence parmi nous, leurs droits".
La pastorale des tsiganes
L'évangélisation des tsiganes est l'une des missions de l'Église tout entière, car aucun chrétien ne devrait rester indifférent face aux situations de marginalisation en rapport avec la communion ecclésiale", souligne le document "Orientations pour une pastorale des tsiganes". Le patron du peuple rom est le bienheureux Zefirino Giménez Malla, du Tiers-ordre franciscain, fusillé en 1936 pendant la guerre civile espagnole et jeté dans une fosse commune pour avoir défendu un prêtre et son rosaire. Lors de la cérémonie de béatification, le 4 mai 1997, saint Jean-Paul II a indiqué Zefirino comme un modèle à suivre: "Sa vie, a-t-il dit, montre que le Christ est présent dans les différents peuples et races et que nous sommes tous appelés à la sainteté".
Article d'Andrea De Angelis paru le 8 avril 2021 sur Vatican News [IT] »
[traduction de la rédaction]