Aujourd'hui marque le lancement de la plus grande campagne de vaccination de l'histoire de l'Europe : un lancement commun, le même jour.
Et c'est déjà un signal positif d'unité. Submergée par une épidémie telle qu'on n'en avait pas vue depuis un siècle, l'humanité a su réagir, avec des soins - médecins, infirmières, personnel de santé, ont fait de leur mieux pendant des mois, sauvant ainsi des milliers de vies - et avec la recherche : jamais autant de vaccins n'avaient été conçus et mis sur le marché à une telle vitesse.
Le virus reste redoutable et fait encore trop de victimes, mais dans l'obscurité, nous entrevoyons une lumière : en Italie, une jeune infirmière sera la première à recevoir une injection du produit développé par Pfizer. Bien-sûr, ce n'est que le début. La route est longue. Et les prochains virages promettent d'être difficiles.
Mais c'est un moment important dans la lutte contre la pandémie, le début d'un chemin destiné à nous faire avancer vers une normalité qui protège la vie des plus fragiles, qui permet de restaurer cette vie sociale dont nous avons tous besoin, qui endigue puis annule les conséquences économiques du drame vécu en 2020. Les restrictions ne sont pas terminées, et malheureusement les contaminations non plus. Ce jour était attendu.
Lors de la bénédiction Urbi et orbi, le jour de Noël, le pape François a déclaré : "En ce moment d’obscurité et d’incertitudes causé par la pandémie, apparaissent diverses lumières d’espérance, comme les découvertes des vaccins", exhortant à nouveau afin qu'ils soient accessibles à tous. Et la vigilance s'impose pour s'assurer qu'ils le seront vraiment. Il y a beaucoup de malades et de personnes en quarantaine ; une grande partie de l'école italienne est fermée depuis des mois ; les établissements pour personnes âgées sont fermés ; la solitude est devenue plus amère et plus répandue ; trop nombreux sont ceux qui s'inquiètent du lendemain et le nombre de ceux qui ont besoin d'un colis alimentaire continuent d’augmenter. Mais nous pouvons maintenant espérer que le temps de l’épreuve s’atténuera. Notre monde voit la perspective d'une guérison du virus et nos cœurs regardent l'avenir différemment.
Celui qui pense que nous ne naissons qu’une seule fois se trompe. Pour quiconque veut vivre, la vie est pleine de naissances, a écrit il y a quelques jours le poète et cardinal José Tolentino dans ces colonnes. Et ce 27 décembre peut, dans un certain sens, être comparé à une nouvelle naissance.
Un nouveau départ, conscients de ce qui s’est passé, et qui devient de plus en plus clair avec le temps qui passe - c'est-à-dire que nous sommes "tous dans le même bateau" et que nous ne pouvons pas nous passer des autres - prêts à construire un temps meilleur. C'est la mission de cette saison qui s'ouvre. Vers la fin de Les Fiancés1, alors que la peste est sur le point de disparaître, dans le lazaret, le Père Félix s'adresse à ceux qui ont obtenu la guérison, et qui s’apprêtent à partir et à retourner en ville, avec un sermon rappelé il y a quelques mois par le Pape lors d'une audience générale : « Que le souvenir de nos souffrances nous rende compatissants pour notre prochain et prompts à le secourir dans les siennes (…) Commençons par ce voyage, par ces premiers pas que nous allons faire, une vie toute de charité. Que ceux qui ont repris leurs premières forces donnent aux faibles l’appui d’un bras fraternel ; jeunes gens, soutenez les vieillards ; vous qui êtes restés sans enfants, voyez autour de vous combien d’enfants sont restés sans père ! Qu’ils trouvent un père dans chacun de vous ! »
Ces mots nous aident à réfléchir à l'avenir que nous devons construire et qui exige mémoire, conscience, dévouement et vision. Il faut se souvenir de ceux qui ont été emportés par la tempête, et réfléchir à ce qui s'est avéré insuffisant - et nous pensons ici aux milliers de morts dans les unités de soins de longue durée à l'hôpital. Mais aussi regarder tous ceux qui sont finalement nos frères ; soutenir les personnes âgées ; accompagner les jeunes privés d’une scolarité normale et de la relationnalité à laquelle ils avaient droit, et commencer une vie différente. Une vie toute de charité, aurait dit Manzoni, une vie faite de réseaux, de soutien, de plus grande proximité, dirions-nous. Comme après une guerre, nous avons trop vu la mort pour ne pas aimer davantage la vie, dans chacune de ses phases et saisons.
La collaboration de tous est nécessaire afin que personne ne soit écarté, que personne ne soit privé du souffle de l'espérance, que personne n'aient à affronter l'avenir seul ou uniquement à travers des écrans. Nous attendons tous un temps nouveau, mais pour qu'il soit nouveau, il doit l’être pour tous.
Marco Impagliazzo
[Traduction de la rédaction]
1 Roman d'Alessandro Manzoni (note du traducteur)