VISITE DU PAPE FRANÇOIS À LA COMMUNAUTÉ DE SANT’EGIDIO
Rome 15 juin 2014
Intervention de Branislav Savic
Votre Sainteté,
Je m’appelle Branislav Savic, Branco pour les amis, j’ai 30 ans. Je suis rom, je suis né et j’ai grandi à Rome. Mes parents sont venus en Italie à la fin des années 1970 de l’ex-Yougoslavie.
Pendant une longue période, j’ai vécu dans un camp de nomades, un grand bidonville hors de la ville. Je me souviens que nous devions aller chercher l’eau dans des bidons. Le problème le plus sérieux, c’est quand nous allions à l’école. Sans eau, c’est difficile, et j’avais parfois honte, alors, je n’y allais pas.
Dès mon plus jeune âge, j’ai appris que tous les camarades de classe ne veulent pas s’asseoir à côté de vous. Ils vous disent que vous êtes un « tsigane » de manière dépréciative. Vous sentez le regard des autres sur vous. Cela pèse sur une vie et l’on peut avoir parfois une réaction agressive. Dans la plupart des cas, vous cherchez par tous les moyens à vous cacher et à ne pas faire savoir qui vous êtes.
J’ai rencontré les amis de Sant’Egidio à l’âge de cinq ans, car ils venaient s’occuper des enfants pour les faire étudier. Ils ont beaucoup insisté pour me faire étudier et ont accompagné toute ma vie. Aujourd’hui, je suis fier de faire partie de cette famille. Avec eux, j’ai été baptisé, j’ai fait ma communion et ma confirmation.
Aujourd’hui, je suis une personne heureuse : j’ai une belle famille, je travaille comme serveur dans un restaurant près de Saint-Pierre, je vis dans un appartement. Mais pour arriver jusque là, ce fut un long chemin ! Les premiers temps où je travaillais, je n’ai jamais dit que j’étais rom. J’avais toujours avec moi un sac avec des vêtements propres que je mettais lorsque je sortais du camp. Je ne voulais pas être reconnu. Un jour, mon employeur m’a demandé de lui donner tous les papiers afin de me mettre en règle. Je me suis retrouvé devant un choix à faire : tout dire et révéler qui j’étais, ou bien m’en aller sans rien dire. En effet, je n’avais aucun papier, car, après la guerre en Yougoslavie, mon pays n’existait plus et donc, moi, ma famille et de nombreux roms, nous sommes retrouvés sans patrie ni papiers. J’ai fini par choisir de parler avec mon employeur. Il m’a fait une accolade et m’a dit : nous trouverons une solution.
A partir de ce moment-là, je n’ai plus eu peur de dire que je suis un rom ou un tsigane. Aujourd’hui, je suis en règle. Quand je peux, je m’implique pour parler et aider les roms et je dis à tous de laisser leurs enfants aller à l’école, et de sortir dès que cela est possible du « camp ». Je dis aussi de respecter les règles et les lois.
J’essaie d’être un bon chrétien et de transmettre la foi à mon fils.
J’ai trouvé dans ma vie des personnes qui m’ont voulu du bien et parmi elles, assurément, il y a vous aussi. Vous nous comprenez et vous nous aimez. Je l’ai pensé notamment quand j’ai écouté vos paroles la semaine dernière. Je vous remercie en mon et au nom de nombreux roms. Merci, Saint Père, d’être ici avec nous aujourd’hui !