Gaza: les incertitudes d'un accord menacé par un mur de haine. Editorial d'Andrea Riccardi
EDITORIAL

Gaza: les incertitudes d'un accord menacé par un mur de haine. Editorial d'Andrea Riccardi

Les Palestiniens retournent à Jabaliya, au nord de Gaza, à la lumière du coucher du soleil - Photo publiée sur x.com
 
Les pressions américaines ont acculé le Premier ministre Netanyahou, qui veut rester au pouvoir. Le plan de trêve à Gaza est celui de Joe Biden, mais Donald Trump a décidé de le soutenir. Les pressions américaines exercées par les administrations sortante et entrante ont probablement mis à rude épreuve le Premier ministre Netanyahou, qui est convaincu de sa stratégie belliqueuse à l'égard de Gaza. Israël a besoin du soutien des États-Unis, mais c'est surtout Netanyahu qui veut rester au pouvoir, notamment parce que les juges ne cessent de s'en prendre à lui.
 
Malgré la trêve qui arrive avec des mois de retard et le drame des 50 000 morts palestiniens (peut-être davantage), de nombreux opposants israéliens admettent que l'affaiblissement du Hezbollah et de l'Iran est un succès du gouvernement. Beaucoup, y compris dans les pays arabes sunnites, se réjouissent du nouveau cadre géopolitique dans lequel l'axe chiite a été brisé. La preuve en est que le Liban a enfin élu un président. Mais les atrocités de cette guerre continueront à peser : il n'est pas possible d'accepter un conflit sans limites, qui a impliqué les civils au même titre que les militaires. 
 
Le Hamas a mené un pogrom qui n'a épargné pas même les bébés. Un enlèvement odieux d'Israéliens a eu lieu. En Israël, on attend le retour des personnes enlevées et la pression sur le Premier ministre a été forte. Le Hamas s'est caché derrière la population civile palestinienne de la bande de Gaza, la transformant en cible. Le gouvernement israélien, quant à lui, est tombé dans le piège vicieux, frappant tout le monde sans distinction et utilisant une intelligence artificielle qui ne permet pas de faire appel de ses décisions. Au final, il ressort de près de 500 jours d'effusion de sang que les deux peuples ne veulent ni ne peuvent cohabiter.
 
Cependant, la trêve est une pause importante d'un point de vue humanitaire et politique. Elle a été étudiée par étapes : le risque d'erreur est donc très élevé. La polarisation la rend fragile. Les partis suprémacistes israéliens ont voté contre et, pour ne pas quitter la coalition, ont exigé d'avoir les mains libres en Cisjordanie. Ils poursuivent un plan d'expulsion des Palestiniens : mais vers où ? 
 
Les Palestiniens sont incapables d'exprimer un leadership uni. Le Hamas est toujours sur le terrain, mais affaibli.
 
L'accord prévoit, dans une troisième phase, la gestion de Gaza par Mahmoud Abbas : mais rien n'est moins sûr. Les Chinois et les Turcs ont tenté à plusieurs reprises de réunir les groupes palestiniens, sans succès. Tant que les Palestiniens n'auront pas de leadership unifié, ils seront politiquement affaiblis. Netanyahou négocie avec le Hamas, dont il dit qu'il ne veut pas le reconnaître, mais qu'il veut détruire. 
 
Les Américains veilleront à ce que le processus ne devienne pas incontrôlable. Trump ne peut accepter aucun échec et doit montrer qu'il contrôle aussi son allié israélien. Ses autres alliés l'attendent : les Saoudiens et les Turcs. Les premiers sont en mesure de mettre la main sur la reconstruction de Gaza. Les seconds sont la clé du maintien de l'ordre dans la Syrie post-Assad avec un gouvernement apprécié des pays sunnites. 
 
Le destin des palestiniens pourrait être lié à celui de Damas dans une perspective de reconstruction. Les acteurs sont les mêmes. Tous les observateurs internationaux espèrent que la trêve se transformera en paix. Pour cela, il faut plus qu'une désescalade mutuelle, car le mur de la haine s'est profondément consolidé. 
 
Editorial d'Andrea Riccardi paru dans Famiglia Cristiana du 26/1/2025
[traduction de la rédaction]
 

[ Andrea Riccardi ]