Éditorial de Marco Impagliazzo paru dans Avvenire
La trêve surprise à Gaza, à laquelle presque plus personne ne croyait, est survenue alors qu’aux États-Unis une administration laisse place à la suivante. Les difficiles négociations ont été menées par les membres du gouvernement Biden, au cours d’un processus très complexe en trois étapes et une infinité de progrès intermédiaires. Nous ne sommes pas encore parvenus à la paix, mais à un début de paix extrêmement fragile qu’il convient de protéger à tout prix.
Trois premières femmes otages ont été libérées. Les palestiniens de la bande de Gaza semblent croire à un retour possible à la maison, une maison qui risque, dans de nombreux cas, d’être désormais en ruines. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une situation bancale. Des erreurs sont possibles à chaque étape, au risque de tout faire s’effondrer, comme l'espèrent certains cyniques dans les deux camps. L'opération « Mur de fer » lancée hier par Tsahal à Jénine et l'appel à la réaction du Hamas en sont des exemples.
Le président Trump, nouvellement élu, a voulu donner son aval à un accord qui n'avait pas été élaboré par son administration, en envoyant son représentant personnel s'entretenir avec le Premier ministre israélien Netanyahou avant même sa prise de pouvoir. Le message a été entendu, et il ne pouvait en être autrement : il n'était pas commode pour le gouvernement israélien de mettre des bâtons dans les roues de son allié le plus important avant même sa prise de fonction. Donald Trump tentera d'entretenir l'espoir d'une transition vers une véritable négociation, dans l'esprit des accords abrahamiques qui avaient rapproché une grande partie du monde arabe d'Israël.
Pour aller au-delà de la trêve fragile, plusieurs facteurs doivent être pris en compte. Tout d'abord, il faut qu'une nouvelle direction palestinienne unifiée voie le jour, afin que le Hamas ne soit pas l'unique représentant des Palestiniens. Il existe au moins une douzaine de factions politiques palestiniennes que personne n'a encore réussi à unifier. Il est possible que l'administration Trump s'y emploie avec de bons résultats. Deuxièmement, le président Trump devra offrir des garanties à l'actuelle majorité gouvernementale israélienne : les proximités idéologiques sont connues, mais elles ne suffisent pas pour consolider la majorité. De plus, il ne devra pas décevoir les alliés (plus ou moins fidèles) des États-Unis au Moyen-Orient, en particulier l'Arabie Saoudite et la Turquie. Les premiers se sont dits prêts à contribuer à la reconstruction de Gaza et attendent une réponse. Les seconds maintiennent la stabilité et la modération dans la nouvelle Syrie : un intérêt partagé par Washington et Jérusalem. Par ailleurs, d'autres alliés, affaiblis par divers facteurs, comme l’Égypte et la Jordanie dont la stabilité est toujours menacée, doivent être rassurés. Certes, l'affaiblissement de l'arc chiite Iran/Hezbollah favorise la présence américaine dans la région et renforce Netanyahou lui-même.
Au niveau national, l’option de Trump et de sa coalition semble être l'isolationnisme, une doctrine qui a une histoire en Amérique et qui constitue une composante majeure du discours du président américain, qui a dit et répété lors de son investiture : tarifs douaniers, retour de l'industrie manufacturière, autosuffisance énergétique, etc. Dans son discours, Trump n'a jamais mentionné ses alliés européens ni fait de distinction : l'Amérique entend se présenter au monde seule, comme le pays le plus fort de tous.
Mais l’histoire est déjà en train de pousser l’Amérique hors d'elle-même. Beaucoup attendent de Donald Trump qu'il promeuve la paix en Ukraine et à Gaza. La deuxième vague de libération d'otages est prévue pour le week-end prochain, tandis qu'une centaine de prisonniers palestiniens ont déjà été libérés des prisons israéliennes. Ce sont des signes encourageants : certes, ils sont très fragiles, mais ils ont le mérite d’exister ; à partir d'eux, il est possible de construire quelque chose de plus durable pour la région. Dans un monde chaotique, où le conflit et la confrontation ont longtemps prévalu, le cessez-le-feu à Gaza est le premier signe d'une contre-tendance.
Il serait dommage de regarder cette trêve avec résignation. Nous devons au contraire la préserver et l'accompagner avec toutes les ressources de la communauté internationale. Nous le devons d'abord aux populations qui ont trop souffert de la guerre jusqu'à présent, comme l'a rappelé le pape François lors de l'Angélus de dimanche dernier : « Israéliens et Palestiniens ont besoin de signes clairs d'espérance : j'espère que les autorités politiques des deux pays, avec l'aide de la communauté internationale, pourront parvenir à la bonne solution pour les deux États. Chacun peut dire oui au dialogue, oui à la réconciliation, et oui à la paix ».
[ Marco Impagliazzo ]