Editorial d'Andrea Riccardi pour Avvenire
Le 9 janvier, le pape François a reçu le corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège. La rencontre de début d'année, traditionnelle non seulement au Vatican mais dans de nombreux États, n'était pas protocolaire, mais posait une question fondamentale : à quoi sert la diplomatie dans le monde d'aujourd'hui ? Une fonction institutionnelle dont l'histoire si ancienne trouve toujours une justification. Et pourtant, l'âme de ce service qui lie les pays, les gouvernements, les cultures, a été très durement touchée ces dernières années. Parce que le dialogue est mort. Le pape a déclaré : « Le récit biblique de la Tour de Babel montre ce qui se passe lorsque chacun ne parle que “sa propre langue” ». Il a ensuite constaté que les institutions internationales « ne semblent plus en mesure de garantir la paix et la stabilité » : le constat est là, mais il est bien triste. Car leur décadence signifie qu'il n'y a plus de conscience partagée du destin commun des peuples et de l'humanité.
A quoi sert la diplomatie ? Celle accréditée au Vatican et celle du Saint-Siège, qui n'a pas d'intérêts économiques ou territoriaux à gérer ? Cette diplomatie, outre le traitement des situations circonstancielles (que le pape évoque dans son discours), se préoccupe du bien commun de l'humanité : en général - pensons à l'écologie - ou sur des théâtres particuliers, souvent dramatiques, comme les guerres. Ses instruments sont le dialogue et la rencontre. Des instruments peu exploités en cette période. François a dit récemment : « Le monde étouffe sans dialogue ».
Mais si le temps de la force, le nôtre, ne prend pas un tournant, nous glisserons dans un monde paroxystiquement conflictuel. Et vers de nombreuses guerres : « La guerre est toujours un échec ! - répète le pape, affirmant qu'on ne peut accepter que des populations civiles soient bombardées ou que des enfants meurent de froid parce que les hôpitaux ou le réseau énergétique d'un pays ont été détruits.
François répète qu'il faut dépasser l'inhumanité de tant de situations de guerre et le langage violent de la politique internationale : sans diplomatie, c'est-à-dire sans dialogue et sans rencontre, ce dépassement ne peut avoir lieu. Et le pape lui-même, la diplomatie vaticane, le Saint-Siège et l'Église font des efforts directs, formels et informels pour réaliser une percée. C'est le choix fondamental de l'Église de Rome. Paul VI l'avait affirmé, au cœur de Vatican II, avec l'encyclique Ecclesiam suam, certes programmatique d'un pontificat, mais bien plus, de la saison de la vie ecclésiale dans laquelle nous sommes encore plongés et qui a porté tant de fruits de rencontres interreligieuses et humaines. Le dialogue n'est pas un accessoire, mais fait partie de la mission de l'Église et de sa manière d'être dans le monde : « L'Église se fait parole ; l'Église se fait message ; l'Église se fait conversation » - avait dit le pape Montini avec une grande clarté.
L'Église se fait parole et vit de la conversation et du dialogue dans tous les aspects de son existence et de sa mission. L'appel du pape n'est pas une intervention généreuse d'un chrétien sensible à la douleur du monde et à l'avenir sombre vers lequel se dirige l'humanité : il jaillit des profondeurs de la vie du peuple de Dieu et des fibres de l'Église. L'Eglise ne se laisse pas réduire au silence ni par la persécution (et le Pape mentionne quelques situations), ni par l'arrogance des pouvoirs de communication et des pouvoirs politico-militaires. Nous le voyons sur la question des migrants et des réfugiés. Alors que prévaut une politique de fermeture, la voix du Pape résonne : « Je constate avec un grand découragement [...] que les migrations sont encore couvertes par un sombre nuage de méfiance, au lieu d'être considérées comme une source de croissance ». Cet appel du cœur ne peut être mis entre parenthèses.
La faiblesse de la parole est la force quotidienne de l'Église qui sape les murs de la haine et de l'indifférence. Parole de vérité (François parle de « diplomatie de la vérité »), vérité religieuse bien sûr, mais aussi référence à la condition réelle des hommes et des femmes, des peuples : « Là où le lien entre réalité, vérité et connaissance fait défaut, l'humanité n'est plus en mesure de se parler... ».
Dans son expérience de l'humanité et dans sa longue histoire, l'Église croit à la diplomatie, parce qu'elle croit qu'il faut se parler, se rencontrer, négocier, se réunir. C'est pourquoi le pape François, faisant clairement allusion au thème sous-jacent du jubilé, a parlé de la « diplomatie de l'espérance ». La diplomatie peut répondre à la soif d'espérance de paix qui existe au sein des peuples et que l'Église perçoit comme une exigence profonde des personnes, surtout lorsqu'elles souffrent des conséquences de la guerre ou sont soumises à l'esclavage de la pauvreté : une soif d'espérance face à un avenir sombre. La soif d'espérance peut et doit être à l'origine d'un engagement de dialogue entre les gouvernants.
Les assoiffés de paix ne peuvent se résigner à la situation actuelle. Il faut une nouvelle audace pour faire la paix par le dialogue et exiger - je pense aux sociétés civiles matures - que des actions soient entreprises dans ce sens. C'est un encouragement pour tous ceux qui se meuvent aux frontières des relations entre les peuples, mais aussi une invitation pour tous, afin qu'ils ne se résignent pas et ne cèdent pas aux raisons criantes et dominatrices de la force, avec son cortège de mystifications et de douleurs.
[traduction de la rédaction]
[ Andrea Riccardi ]