« Je crois toujours à la paix et à l'action politique » : les mots prononcés hier par Mahmoud Abbas dans Avvenire semblent provenir d'une autre époque, une époque où le dialogue et les relations internationales fonctionnaient, du moins un peu. Aujourd'hui, tout est beaucoup plus chaotique, violent et imprévisible. Et pourtant, ces mots portent en eux une sagesse ancienne : tôt ou tard, nous nous remettrons à parler, à discuter de la manière de vivre ensemble.
C'est un homme âgé qui parle, alors qu'il s'apprête à rencontrer le pape François et le président Mattarella, eux aussi avancés en âge. La rencontre de trois anciens pourra-t-elle éveiller la conscience mondiale et convaincre un monde en proie aux passions atroces de la guerre et du conflit ? C'est cet espoir qui pousse Mahmoud Abbas à croire aussi en Donald Trump.
La situation que nous avons sous les yeux est déprimante : Gaza détruite et réduite à un tas de décombres, d'innombrables victimes civiles, des milliers d'orphelins qui pleurent de douleur. Dans ce journal, Nicoletta Dentico nous avertit même que la bande de Gaza est devenue « un foyer mortel de bactéries intraitables » qui infectera le monde entier, en premier lieu les Israéliens. On ne peut pas penser rester en bonne santé dans un monde malade, avait dit le pape en parlant de la pandémie. Cela s'applique aussi à la guerre sans fin au Moyen-Orient, qui aggrave la situation du monde entier. L'ampleur du désastre, le nombre de morts et de blessés, la définition des atrocités font l'objet d'un débat. Les mots sont utilisés comme des armes : génocide, ethnocide, atrocités de masse, crimes contre l'humanité... Mais aucun affrontement verbal ne permet de réparer ce qui semble définitivement brisé : la confiance dans la possibilité de la paix.
L'Autorité nationale palestinienne (ANP) a souvent été accusée de corruption et d'inefficacité : un corps inutile, vieillissant et passif. Pourtant, l'Autorité reste le seul représentant palestinien légitime. Comme tout le monde, l'Autorité évolue dans le cadre des relations entre gouvernements : Mahmoud Abbas évoque l'Arabie Saoudite, les pays arabes frères, l'ONU, les Etats-Unis, l'Italie. Ce sont des rêves qui s'évanouissent, mais qui s'appuient sur ce qui résiste : les résolutions - malheureusement non appliquées - de l'ONU et les règles de la coexistence mondiale. Celles-ci sont contestées par ceux qui veulent les réformer violemment, les démolir ou les outrepasser.
Cela se produit lorsque des classes dirigeantes subversives attaquent leurs voisins en violant les frontières, en s'arrogeant le droit de redessiner les influences, en annexant les terres d'autres personnes, en occupant des espaces, en déplaçant les frontières. Mahmoud Abbas vient d'un monde ancien où comptaient la négociation (peut-être difficile) et le compromis. Dans ses propos, on peut lire en filigrane le regret d'avoir manqué de nombreuses occasions de parvenir à la paix. Tout ce qui reste, c'est le désir de souveraineté sur 22 % du territoire, comme l'ont signé les parties. Mais aujourd'hui, on va jusqu'à ne même pas reconnaître cette signature et, de manière subversive, on affirme sa souveraineté sur tout, allant jusqu'à éliminer de fait les Palestiniens. Il s'agit d'un extrémisme violent qui peut à terme se retourner contre ses auteurs.
Le gouvernement israélien actuel est en effet l'otage d'un groupe de suprémacistes (même pas majoritaires) qui, à de nombreuses reprises, poussent les civils à s'armer en cautionnant la propagande coloniale. Cela ne peut que profiter à un récit « colonial » de l'État juif et se retourner contre Israël lui-même, dans un dangereux tourbillon impliquant l'ensemble du Sud mondial. Toutefois, aucun pays n'est une île. Mahmoud Abbas espère une justice internationale : il s'agit d'un long processus que l'Autorité nationale palestinienne a fortement souhaité, en adhérant à la Cour pénale à la fin de l'année 2014, et en faisant du lobbying depuis lors. C'est une réussite imputable à l'Autorité palestinienne, qui s'est produite sans qu'Israël ne se rende compte du danger qu'il courait pour sa réputation.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a fait appel, reconnaissant implicitement l'autorité de la Cour qu'il méprisait auparavant.
Cependant, il est clair que la justice internationale est autre chose que les processus d'apaisement et de médiation. Cela permettra néanmoins de maintenir la question en vie dans les forums internationaux. Un point particulièrement négatif dans l'interview d'hier, c'est que l'ancien dirigeant ne mentionne jamais le 7 octobre et ses atrocités. En outre, la question de l'unité politique des Palestiniens reste ouverte : les divisions internes ont réduit l'impact de leurs revendications ces dernières années et ont laissé trop de place aux ennemis de la paix.
[traduction de la rédaction]
[ Marco Impagliazzo ]