Ne vous résignez pas à la guerre ! Article de Marco Impagliazzo paru dans Vita Pastorale
PAIX

Ne vous résignez pas à la guerre ! Article de Marco Impagliazzo paru dans Vita Pastorale

Rencontre internationale « Imaginer la Paix ». A Paris, un dialogue entre responsables des religions, de la culture et des institutions, lors de la rencontre organisée par Sant'Egidio
« Arrêtez la guerre ! Arrêtez les guerres ! Nous sommes déjà en train de détruire le monde ! Arrêtons pendant qu'il est encore temps ! » Un cri de protestation s'est élevé de Paris face à la guerre, à la violence et à la haine : faire la paix est possible.
 
Chaque jour ou presque, nous sommes assaillis par des nouvelles d'attentats, de massacres, de bombardements. Gaza, Israël, Liban, Soudan, Ukraine, Yémen : pour ne citer que quelques stations sur ce chemin de croix contemporain, que le pape François a qualifié de « troisième guerre mondiale par morceaux ». Mais si le monde est marqué par une « guerre par morceaux », cela signifie que ces morceaux peuvent cristalliser et qu'il existe un risque de guerre plus grande et plus écrasante encore.
Face à ce scénario, nous devenons des spectateurs distraits et glissons lentement vers la résignation ou l'indifférence. Quel poids avons-nous face aux choix guerriers des grands de ce monde ? Et n'est-ce pas une utopie de parler de paix quand les signes de guerre se multiplient ?
Pour réagir au sentiment d'impuissance, il faut puiser dans les énergies spirituelles présentes dans les religions, en suivant le chemin emprunté par Saint Jean-Paul II à Assise en 1986. En ces temps d'incertitude et de menaces liées aux tensions de la guerre froide, le pape Wojtyła a su montrer, dans la rencontre des responsables religieux, la voie d'une nouvelle vision de la paix, alternative au choc des peuples et des religions, hérité de siècles d'éloignement et d'inimitié.
C'est dans cet esprit que la Communauté de Sant'Egidio a organisé, en collaboration avec le diocèse de Paris, la Rencontre internationale "Imaginer la Paix". Pendant trois jours, du 22 au 24 septembre, un « peuple de paix » de différentes religions, cultures et même générations s'est retrouvé dans la capitale française, en provenance d'Europe et d'autres continents, pour dialoguer et faire entendre sa voix, la voix de ceux qui cherchent des chemins de paix dans l'obscurité épaisse des conflits actuels, parce qu'ils ne se résignent pas face aux trop nombreuses victimes innocentes, aux milliers de réfugiés et aux dévastations causées par la guerre.
À Paris, les responsables religieux sont retournés ensemble au cœur de leurs traditions religieuses, riches de sagesse humaine et spirituelle. Aller en profondeur est à la fois un exercice d'humilité et de résistance. Humilité car le retour aux sources permet de comprendre qu'il y a quelque chose de plus grand que nos émotions, nos sentiments ou nos modèles cristallisés ; qu'il y a quelque chose au-delà de nous, de notre présent et de l'actualité. La résistance à une culture simplificatrice qui s'habitue au conflit et à l'ego
De la rencontre de Paris a jailli un cri de protestation face à la guerre, à la violence et à la haine. La voix du Pape François s'est jointe à celle des participants : dans un message qu'il leur a adressé, il implorait : « Arrêtez la guerre ! Arrêtez les guerres ! Nous sommes déjà en train de détruire le monde ! Arrêtons pendant qu'il est encore temps ! » Demandant aux responsables religieux d'éloigner « les religions de la tentation de devenir des instruments pour alimenter le nationalisme, l'ethnicisme, le populisme », le pape a souligné « la grande tâche de la paix » qui est confiée à chacun : « Il nous est demandé de la sagesse, de l'audace, de la générosité et de la détermination. Dieu a aussi mis entre nos mains son rêve pour le monde : la fraternité entre tous les peuples ».
Ces mots ont résonné sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame, dont la façade est entièrement reconstruite après le terrible incendie de 2019, en attendant d'accueillir la prière des fidèles. 
Avant le message du pape François, Gilberte Fournier, une parisienne de 93 ans qui a vécu la Seconde Guerre mondiale dans son enfance, a appelé les nombreux jeunes présents à « ne pas perdre la mémoire du grand mal, de la grande défaite de l'humanité qu'est la guerre », mais plutôt à « chérir et faire grandir la paix que ma génération a imaginée après la guerre ».Il existe une voie pour sortir d'un climat de guerre permanente : elle a été tracée par ceux qui nous ont précédés et qui rêvaient d'un monde plus juste pour leurs enfants. Leur espoir était la paix et c'est sur cette base qu'ils ont construit l'Europe, lui assurant des décennies de prospérité et de coexistence pacifique. 
Au cours de trois jours de dialogue intense, de nombreuses questions émergentes de notre époque ont été abordées : les guerres dans différentes régions du monde, la course aux armements et les nouvelles menaces atomiques, l'environnement et le changement climatique, les migrations, la crise de la démocratie, l'augmentation de la pauvreté et la nécessité de donner une éthique à l'intelligence artificielle et au progrès technologique.
Bref, Paris a été l'occasion d'une véritable confrontation, où se sont exprimées toutes les langues et toutes les cultures. Il y a un désir de paix commun à tous : « Celui qui fait croire que la solution peut être dans la destruction de l'autre crée la guerre éternelle. La paix n'est possible que dans la coexistence », a déclaré Emmanuel Macron lors de l'assemblée d'ouverture. « La guerre a toujours une légitimité très forte et plus elle dure, plus sa force est présente, alors que la paix est ontologiquement précaire, parce que faire la paix signifie renoncer à quelque chose qui a justifié le début des hostilités. » 
Germaine Tillion, célèbre anthropologue française et survivante du camp nazi de Ravensbrück, a déclaré qu'une « politique de conversation avec l'autre » était nécessaire. Tôt ou tard, elle conduit à la paix. C'est ce que des femmes et des hommes de différentes religions ont vécu à Paris : parler, imaginer l'utopie de la paix.
 
[traduction de la rédaction]

[ Marco Impagliazzo ]