Le dialogue n'est jamais une défaite. Editorial de Marco Impagliazzo paru dans Avvenire
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Le dialogue n'est jamais une défaite. Editorial de Marco Impagliazzo paru dans Avvenire

La conférence suisse sur la paix en Ukraine

« La véritable issue à la guerre en Ukraine passe par la négociation », a récemment déclaré Monseigneur Paul Richard Gallagher, « ministre des affaires étrangères » du Saint-Siège, reprenant les propos du Pape François, répétés à plusieurs reprises. Mais comment arriver à la négociation ? C'est sur cette question que la communauté internationale a jusqu'à présent piétiné et parfois même renoncé. Peu de moyens diplomatiques ont été mis en œuvre pour arrêter le massacre, notamment en Europe.

Le Pape a encouragé les actions humanitaires et tout fait pour maintenir un canal de dialogue ouvert : c'est le sens de la mission confiée au cardinal Matteo Zuppi. L'Eglise sait qu'il faut préparer le terrain pour une rencontre entre les parties : elle a gardé une porte ouverte tandis que presque personne n'osait le faire. Dans d'autres milieux, les discours d'opposition, voire de haine, se multiplient, soutenus par l'absence apparente de toute volonté de négocier, tant du côté russe que du côté ukrainien. Mais ce refus n'est pas nouveau : au départ - surtout lorsque le conflit fait rage - les belligérants ne sont jamais enclins à faire le premier pas vers la négociation. Le rôle de la diplomatie est précisément de convaincre les parties de la nécessité de se parler, et de rappeler que le dialogue n'est pas synonyme de défaite.

C'est pourquoi le sommet de paix souhaité par l'Ukraine et organisé par la Confédération suisse peut avoir du sens et représenter un premier pas, même s'il est initial et limité. La Conférence de haut niveau se tiendra les 15 et 16 juin 2024 sur le Bürgenstock, dans le canton de Nidwald. Initialement, le choix s'était porté sur Lugano, où s'était déjà tenue la conférence sur le redressement de l'Ukraine en juillet 2022. Par la suite, pour des raisons de sécurité, un lieu plus isolé a été préféré pour accueillir les plus de 160 délégations invitées.

Le gouvernement ukrainien entend susciter une sympathie plus large et un partage de sa condition de pays lésé : Kiev accepte de discuter à condition de reprendre possession de ses territoires. C'est une position qui a été maintes fois répétée au cours de ces années de guerre : le dialogue ne peut commencer que si la Russie se retire à l'intérieur de frontières internationales reconnues, dont la violation peut devenir un précédent dangereux pour tout le monde. C'est pourquoi Moscou n'a pas été invité, un choix qui a soulevé plus d'une question : comment peut-on dialoguer sans que les deux parties au conflit soient présentes ? La Suisse a répondu qu'elle souhaitait fonder la réunion sur les principes du droit international : la conférence se basera sur la formule de paix proposée par l'Ukraine mais discutera également d'autres propositions « en accord avec la Charte des Nations Unies et les principes fondamentaux du droit international ».

Cette déclaration met en jeu la proposition de paix de la Chine en 12 points. Si la Chine envoie une délégation de haut niveau à la conférence, ce sera un signal important. L'idée est de créer une plate-forme commune qui identifie les étapes nécessaires pour parvenir à une « paix globale, juste et durable », de convenir du cadre nécessaire pour y parvenir et de définir une feuille de route pour engager les parties dans un futur processus de paix. Beaucoup dépendra donc de la manière dont les participants souhaitent procéder : des représentants des États membres du G7, du G20, des BRICS, de nombreux autres États de tous les continents et de l'UE, ainsi que de l'ONU, de l'OSCE, du Conseil de l'Europe, du Vatican et du Patriarcat œcuménique de Constantinople seront présents. Comme le répètent les diplomates suisses, l'objectif est de « développer des éléments pratiques pour définir les étapes d'un processus de paix ». En d'autres termes, la conférence veut établir la base juridique multilatérale d'une éventuelle solution. Une perspective partagée par l'Ukraine et plusieurs pays européens très sensibles à ces questions.

Comme on le sait, la Russie répond à cette approche en affirmant qu'au début des années 1990, l'Occident a menti et n'a pas respecté les pactes, et qu'en conséquence, le multilatéralisme actuel (avec ses règles internationales) devrait être entièrement renégocié. En fait, certains considèrent aujourd'hui que le multilatéralisme est une création occidentale savamment élaborée pour favoriser les pays du Nord. La conférence suisse souhaite réagir en démontrant non seulement que le multilatéralisme n'est pas mort, mais qu'il reste le meilleur moyen de favoriser la coexistence internationale. En effet, la sécurité nucléaire, la liberté de navigation et la sécurité alimentaire seront également abordées. Des questions qui concernent tout le monde, bien au-delà du cadre du conflit en Ukraine.

Au cours de ces deux années de guerre, l'Église catholique a été critiquée pour sa prétendue « équidistance » entre les parties, c'est-à-dire pour ne pas faire de distinction suffisante entre l'agresseur et l'agressé.  La conférence en Suisse montre au contraire que c'est précisément la perspective à adopter : comment renoncer à ce qui alimente ou entretient la logique de guerre et revenir à des règles universellement partagées ? Dans un contexte où le dialogue peut sembler impossible et la violence armée imparable, il est déjà positif que l'on tente, même partiellement, de promouvoir la voie de la rencontre. 

[traduction de la rédaction]


[ Marco Impagliazzo ]