L'alliance Italie-France peut réformer et relancer l'Europe

Editorial d'Andrea Riccardi dans Famiglia Cristiana

Après le Plan de Relance, les traités européens deviennent à présent l'objectif, afin de donner un visage fédéral au continent

La visite d'Etat du président Sergio Mattarella en France s'est déroulée dans un climat très solennel. Il s'agit d'une attention du président Macron à l'égard d'une personnalité tenue en grande considération à Paris. Il y a seulement deux ans, les rapports entre l'Italie et la France étaient très tendus, provoquant le rappel de l'ambassadeur de France à Rome, un fait inédit depuis l'après-guerre. Depuis lors, de nombreuses personnes ont travaillé pour retisser les liens entre Paris et Rome.  
 
Beaucoup de choses ont changé, mais une est restée: la conviction française que Mattarella est la personnalité italienne qui a empêché l'Italie de s'éloigner de l'amitié historique avec Paris. Le canal de communication entre l'Elysée et le Quirinal est toujours resté ouvert. Le projet de traité de coopération renforcée (appelé en français "Traité du Quirinal") a été maintenu, et a été l'un des principaux sujets de discussion entre les deux présidents, ainsi que certaines questions comme la réponse à la pandémie et le plan européen d'assistance mutuelle, fondé sur une forme de dette communautaire, retenue auparavant impossible. 
 
Sans le solide accord Rome-Paris, l'Allemagne n'aurait pas été convaincue, et par conséquent les autres pays "frugaux" non plus, d'accepter le Recovery Plan européen. C'est un fait politique de première importance qui démontre la nécessité d'équilibrer le moteur fran-allemand de l'Union par une alliance italo-française.
 
Rome et Paris peuvent redonner à l'Europe cette orientation sociale que la Commission avait au moment de sa fondation, en relançant le processus de réforme des traités en direction du fédéralisme. Macron et Mattarella ont souscrit à l'idée que l'actuelle Conférence sur l'Europe débouche sur la reprise du processus de réforme des traités. Mattarella, à la Sorbonne, a observé que l'immobilisme - quinze années - a duré trop longtemps. Il a manifesté avoir fortement voulu cette visite, soulignant que la France a été son premier voyage à l'extérieur après la pandémie. Selon notre président, le lien entre l'Italie et la France est "unique" ; les Français ont apprécié cette définition, en réservant à leur hôte un accueil de très haut niveau. Du point de vue de la mise en œuvre émerge notamment la proposition de service civil conjoint pour faire collaborer des jeunes italiens avec des jeunes français.
 
La nouvelle présidence américaine offre l'opportunité de renouveler les relations eur-atlantiques. N'oublions pas que la France a toujours reproché à l'Italie d'être trop philo-américaine: une entente bilatérale sur les relations transatlantiques est un pas important. Sur la Libye, les deux pays étaient sur des positions opposées, mais à présent Macron veut "européiser" la politique africaine et moyen-orientale, en choisissant l'Italie comme partenaire principal. L'accord franco-italien sur Tripoli change la donne. L'idée française est de lancer, pendant son semestre de présidence européenne début 2022, une nouvelle vision euro-africaine au sein de laquelle l'italie est appelée à être protagoniste.
 
Fidèles aux intuitions des pères fondateurs de l'Europe, la France et l'Italie peuvent se donner comme objectif de progresser sur le chemin de l'unification européenne, en allant au-delà des seules compatibilités économiques, et en se fondant sur l'humanisme de notre continent. Face aux défis du monde global, les pays européens ne peuvent avancer seuls. L'Italie et la France commencent à marcher devant, non pas dans un esprit contraire à l'Allemagne, mais en assumant ensemble certaines responsabilités, notamment sur le continent africain.

Editorial d'Andrea Riccardi publié dans la revue Famiglia Cristiana du 18/7/2021
[traduction de la rédaction]