Soigner le mal ancien de la guerre

Editorial de Marco Impagliazzo

L'année 2021 s'est ouverte avec la bonne nouvelle du vaccin, mis au point en un temps record, et avec l'espoir qu'il sera accessible à tout le monde. Il est le fruit d'un effort commun qui préfigure un temps nouveau à affronter ensemble. Jamais peut-être comme l'an dernier, nous n'avions pu comprendre à quel point l'ensemble de l'humanité se trouve dans le même bateau, pour le meilleur ou pour le pire, dans l'engagement collectif que nous avons commencé à vivre comme dans les drames vécus. Et nous avons aussi compris qu'il est impossible de se sentir bien dès lors qu’on exclut quelqu'un.

Il est significatif, en ce sens, que dans son message pour la Journée mondiale de la paix de cette année, le pape ait uni le prendre soin et la paix. Se sauver ensemble s'applique aussi  bien aux pandémies qu’à la guerre : lorsque les gens se combattent à un endroit, c'est comme si tous les habitants de la planète le faisaient. Il existe une solidarité intime entre les êtres humains dans la souffrance comme dans l'espérance. Si quelqu'un souffre de la guerre, cela signifie que tôt ou tard, tout le monde en souffrira. Par conséquent, chacun doit en être conscient et participer à son arrêt.

En politique internationale, on observe souvent une complicité qui unit ceux qui font la guerre et ceux qui ne sont pas prêts à l'arrêter. Au cours de l'année écoulée, une quarantaine d'États ont été impliqués dans au moins l’une des différentes formes de conflits armés qui font aujourd'hui rage sur la planète. Si l'on élargit ensuite le regard et qu'on inclut également les pays dans lesquels a lieu une certaine forme de répression interne armée ou d'abus violent des droits fondamentaux, le nombre d'États concernés passe au double : environ quatre-vingt pays souffrent de la violence, sur un total de 193 dans le monde. Face à ce scandale, qui provoque la mort de nombreux innocents, trop de dirigeants politiques ont baissé les bras : peu de médiation, peu d'initiatives de paix, peu d'engagement dans des conflits gelés depuis longtemps, avec le risque qu'ils soient ravivés parce qu'ils n'ont pas été résolus. Surtout, on s'est inquiété de la moindre considération accordée au système multilatéral de dialogue politique et de la tentation qui en résulte, pour de nombreux États, de résoudre leurs différends par la force des armes.

En 2020, les Nations unies ont fêté leur 75e anniversaire : née en 1945 après la Seconde Guerre mondiale, l’organisation avait précisément pour but de ne jamais retomber dans cette catastrophe. Never again, comme on disait à l'époque. Pour cette raison, et aussi à cause de la pandémie, le Secrétaire général de l'ONU avait demandé en mars dernier une trêve humanitaire au moyen d’un cessez-le-feu inconditionnel : "Notre monde fait face à un ennemi commun : la Covid-19. Le virus ne tient pas compte de la nationalité, de l'ethnie, de la faction ou de la foi. Il s'attaque sans relâche à tout le monde sans distinction", a-t-il écrit. C'était un message adressé à tous les États : faisons une trêve pour faire face à l'ennemi commun et nous montrer à la hauteur du défi.

Malheureusement, l'appel n'a pas été entendu. Il y a une trop grande habitude de guerre, même si l'on a vu une certaine lumière dans l'obscurité, avec les avancées dans l’accord pour le Soudan du Sud, mûri à Rome, et surtout les accords entre certains pays arabes et Israël, signe que la paix est toujours possible même quand la guerre dure depuis longtemps.

Voilà ce que peut être notre engagement aujourd'hui, au début de 2021 : faire toujours entendre le caractère raisonnable de la paix et ne jamais accepter qu'elle soit silencieuse car il peut toujours y avoir quelqu'un qui l'écoute, même si nous ne croyons pas que c’est possible. Donner une voix à la paix est notre engagement envers cette fraternité universelle dont le pape François nous parle dans sa dernière encyclique Fratelli tutti. Nous en ressentons le besoin, de façon urgente, même dans notre vie quotidienne. Il suffit de penser au nombre d'armes terribles, de destruction massive, qui continuent d'être fabriquées, avec le risque qu'elles soient utilisées, peut-être par erreur, comme dans le cas des armes nucléaires. Nous ne pouvons accepter qu'un destin aussi sombre pèse sur l'humanité. Pour cela, nous avons besoin de la paix du cœur.

Mais si la paix est toujours possible, nous devons entrer dans la nouvelle année avec l'espoir qu'un jour la guerre sera abolie. Les générations passées ont réussi à abolir l'esclavage : l'honneur de notre génération pourrait être celui d'une étape décisive qui abolit la guerre. Un rêve à réaliser.

Marco Impagliazzo
[traduction de la rédaction]