Prière pour les malades en ligne avec la Communauté de Sant'Egidio

Méditation d'Andrea Riccardi

Prédication d'Andrea Riccardi, à partir de Jean 9, 1-11

Le début du récit de l’aveugle de naissance, qui se poursuit avec l’enquête des pharisiens à son égard, est le récit d’un malade seul, comme beaucoup d’autres. La question que les disciples posent à Jésus, qui témoigne bien peu de compassion, est : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » S’agit d’une faute de l’homme, d’une punition divine ? Pourtant, les disciples étaient proches d’un thaumaturge, qui avait guéri un malade à la piscine de Bethsaïde. Pourquoi ne demandent-ils pas à Jésus qu’il s’occupe de cet homme ? Voilà des gens résignés, habitués à passer à côté d’un monde de malades, comme cela arrivait à Jérusalem : aveugles, boiteux, malades divers qui parfois mendiaient dans la rue. Les disciples s’interrogent quant à l’origine de la maladie : est-ce sa faute, celle de ses parents, une punition divine ? La réalité est que celui qui est malade est seul, en prise avec le mal, car la maladie nous isole dans notre corps. 

Malgré nos bonnes intentions, le malade bien souvent peut se retrouver seul. Nous l’avons vu lors de la pandémie, lorsque de nombreuses personnes sont restées seules, dans les hôpitaux et les maisons de retraite. D’une certaine façon, la maladie isole notre corps. Mais Jésus s’adresse de façon préférentielle aux malades. Car sur eux pèse le mystère inexplicable de la maladie, lié à la construction du corps, et de l’environnement, à la souffrance… tous fruits du mal. La guérison de l’aveugle de naissance réalise la parole d’Isaïe : c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé (Is 53,4). L’aveugle doit accomplir un geste demandé par Jésus : se laver. L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait. Jésus se charge de nos douleurs.

Mais la maladie n’est pas le fruit de nos fautes, dit Jésus. Le pape François, pendant un moment dramatique de la pandémie, sur la place Saint Pierre, a dit : « Nous ne nous sommes pas arrêtés face à tes rappels, nous ne nous sommes pas réveillés face à des guerres et à des injustices planétaires, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade. » C’est un peu la photographie de notre vie : vivre une sorte de pari, avec la mentalité de ceux qui disent « de toutes façons, ça ne m’arrivera pas ». Continuer imperturbable, en pensant rester seul, moi tout seul, sain dans un monde malade. 

Mais la maladie de l’aveugle de naissance était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. Je voudrais ajouter que cette pandémie est un signe qui manifeste le dessein de Dieu. Dans quelle mesure ? Dans la mesure où elle nous révèle la folie qu’il y a à continuer imperturbables en ne pensant qu’à soi. D’autre part, elle a montré la force du soin, de la guérison, de la solidarité, dont nous avons été nous aussi témoin. Précisément, par son caractère de maladie qui implique tant de gens, la pandémie met en évidence de façon plus forte encore la solidarité qui peut exister à l’égard des malades, entre les malades et avec le corps du Christ. 

A l’égard des malades : soulager la solitude et la souffrance, accompagner la guérison, empêcher la diffusion et la « naissance » de la maladie. L’œuvre de Dieu se manifeste au cœur de cette pandémie et nous fait prendre conscience que les femmes, les hommes, l’environnement ont besoin de soin, de fraternité et solidarité. Celui qui vit cela sort du temps de la pandémie ou de l’expérience de la maladie… au final comme un homme qui retrouve la vue, un homme guéri.

J’ai dit « à l’égard des malades », mais aussi entre les malades, et je pourrais dire avec un monde malade. La pandémie est caractérisée par la simultanéité de nombreuses personnes frappées par la même maladie. Elle montre qu’il ne s’agit pas d’une croix qui me tombe dessus et m’écrase, moi seul. En faisant un effort, je peux me montrer solidaire même dans les jours les plus tristes, lorsque mes capacités d’agir, de m’exprimer, de me déplacer sont très réduites en raison de la douleur. Il y a donc une résistance personnelle contre le mal qui détruit l’espérance, qui force à penser à soi, à avoir peur, qui veut nous emprisonner. Ainsi, de nombreuses résistances personnelles dans notre cœur, dans nos pensées, notre prière crééent une solidarité profonde qui devient une force commune de bien, qui se répand dans l’univers humain.

Enfin, avec le Seigneur et avec ses frères. Paul écrit aux Colossiens : « Je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. » (Col 1,24) Il existe une communion dans la souffrance, dans la maladie, avec les frères qui souffrent au même moment de la pandémie, et avec Jésus qui n’est pas seulement le thaumaturge mais le souffrant de la croix, et avec le corps de l’Eglise qui se réjouit et qui souffre en de nombreuses régions du monde. 

Paul dit : accomplir ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ. N’est-ce pas excessif ? Cela veut dire que même dans le silence de la douleur, il y a une communion dans la résistance, dans le combat, dans la foi, avec Lui, le crucifié et avec tous nos frères dans le monde. Il y a une communion profonde avec le Seigneur, dans son Esprit, qui crée un climat de bien.

Il n’y a rien dans la vie qui n’ait pas de sens. Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. En ces jours, dans ces ténèbres épaisses, je crois que se réalise malgré tout l’œuvre de Dieu. Et d’une souffrance produite par le mal, vécue sans perdre la foi, ouverte à la communion avec ceux qui souffrent et avec l’Eglise ; de cette souffrance (à la maison, à l’hôpital, partout), d’une humanité qui découvre le besoin de solidarité, de tout cela jaillit une semence de fraternité pour la saison prochaine.

N’acceptons plus un monde malade dans lequel nous cultivons l’illusion de pouvoir nous sauver tout seul. Travaillons pour soigner le monde par la fraternité, chacun selon ses possibilités. Et prions aujourd'hui pour la fin de la pandémie ; prions pour le prompt rétablissement de nombreux frères et sœurs ; prions pour que, de ces souffrances, s’affirme une nouvelle culture de la fraternité.

Amen.