Un nouveau départ pour le christianisme, face à l'insécurité et à la solitude dues à la pandémie

Editorial d'Andrea Riccardi dans Famiglia Cristiana

Face à l'insécurité et à la solitude, il faut repeupler les villes de fraternité et reconstruire les relations

Dans les églises, après les semaines de Covid-19, les liturgies ont repris avec les mesures prescrites pour éviter la contagion. Mais quelque chose a changé. On ne peut pas faire comme si tout était comme avant. On le voit à la participation aux célébrations, plus faible qu'avant. Moins de personnes âgées qui, pour de justes motifs de prudence, restent à la maison. Mais elles ne doivent pas être oubliées.

Reste la blessure devant tant de morts, en particulier dans certains régions, à cause de la pandémie. Souvent morts seuls. La mort, également celle due à d'autres motifs, a été ressentie avec douleur en raison de l'absence d'enterrement. Tous ont mesuré la fragilité de leur propre vie au contact avec le danger. Nous avons vécu une période "retirée", à la maison ou en famille, où se sont senties de manière inédite la force et la faiblesse des rapports ainsi que la solitude.

Egalement pour les prêtres ce moment a été particulier, en raison de l'absence de liturgie avec le peuple. En deux millénaires, jamais la messe n'avait été suspendue dans la péninsule. Pas même en temps de guerrre. C'est un unicum dans l'histoire qui symbolise le caractère exceptionnel de la situation, également religieuse.

L'Italie s'est appauvrie. Pour certains jusqu'à avoir faim. Le manque de travail et la fermeture d'activités ont diffusé la précarité et l'incertitude sur l'avenir. Pour les jeunes, mais pas seulement. Il y a une insécurité. L'été est arrivé, avec le désir de repos, de vacances et la part de "rupture festive" qu'elle inclut. Mais on ne peut cacher le fait que nous nous trouvons au début d'une saison de "reconstruction" (économique, mais également spirituelle).

Dans le coeur de beaucoup sont nées - ou peut-être ressuscitées - de nouvelles questions sur le sens de la vie. La présence du pape nous a accompagnés. Que l'on pense au 27 mars, quand place Saint-Pierre, vide et battue par la pluie, François, seul, semblait "le grand intercesseur" pour un peuple en grave difficulté. Aujourd'hui, après ces semaines de solitude, il y a besoin de reprendre le dialogue avec les personnes, marquées par la fragilité. C'est le message, au fond, plutôt négligé, de l'Evangelii Gaudium: sortir, rencontrer, dialoguer à la lumière de l'évangile.  

Cette période a montré dans les faits "qu'il n'est pas bon que l'homme soit seul", comme le dit la Genèse. Tous les liens, dans la société, s'étiolent et s'effilochent depuis longtemps. Ils sont pourtant décisifs. Il faut repeupler nos villes de fraternité, mais également le monde rural, qui risque de devenir une sorte de périphérie.

Il est nécessaire de reconstuire les communautés chrétiennes avec un travail de "tissage humain", permettant d'accueillir tous ceux qui se sont posé de nouvelles questions. En cette période difficile, beaucoup ont manifesté de la générosité et le désir d'aider les autres. Il est nécessaire de retrouver également ceux qui ont précipité dans un christianisme individualiste, fait par exemple de messes à la télévision sans liens interpersonnels.

S'ouvre une période nouvelle pour le christianisme en Italie. Personne n'a le monopole de cette mission, et celle-ci ne doit pas peser seulement sur le clergé. C'est l'heure de l'Evangelii Gaudium. Le pape François écrit ainsi: «Être disciple c’est avoir la disposition permanente de porter l’amour de Jésus aux autres, et cela se fait spontanément en tout lieu : dans la rue, sur la place, au travail, en chemin». Il faut savoir lire les signes des temps: dans les blessures et dans les questions posées par la pandémie se trouvent tant de demandes d'amour, de vie nouvelle, d'espoir. 

Editorial d'Andrea Riccardi paru dans la revue Famiglia Cristiana du 9/8/2020